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LA PÉRIODE DES ORIGINES
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Parmi les manifestations mariales de l’époque, l’une d’entre elles eut un retentissement particulier :

 

La célébration, repoussée à 1927 à cause de la mort de l’évêque qui en avait eu l’initiative, du 1050e anniversaire du don du voile de Notre-Dame fait à Chartres par Charles-le-Chauve en 876.

Ces fêtes mariales furent l’occasion d’émettre le vœu que soient organisés des « congrès marials nationaux », sur le modèle des congrès eucharistiques nationaux.

C’est ainsi que se constitue, le 18 juin 1929, sous la présidence de Mgr Harscouët, évêque de Chartres, le comité national chargé de les promouvoir. Le premier de ces congrès, qui vont devenir quadriennaux, se tient à Lourdes en 1930. Ce seront ensuite, pour s’en tenir à la période d’avant-guerre, ceux de Liesse en 1934 et Boulogne-sur-Mer en 1938. Ces congrès qui se veulent des actes cultuels centrés sur le mystère de Marie entendent également dispenser un enseignement en rapport avec le sujet retenu par chacun d’eux. Aussi des théologiens spécialistes se trouvent-ils engagés dans le mouvement.

 
À l’heure même de ces grands rassemblements, le souci se manifeste de préciser, à travers des enquêtes, la place tenue par la dévotion mariale dans l’Église. Le bilan de celles qui sont lancées par les scolastiques de Jersey, en 1933 pour les jeunes et d’une manière plus globale en 1934, pose la question du lien entre l’apostolat, en particulier dans le cadre des mouvements d’Action catholique, et une authentique dévotion mariale, ce qui renvoie au problème plus général de la formation doctrinale des laïcs.

 

Le père Benjamin Morineau (1876-1949), fondateur de la Société française d’études mariales, se situe précisément au carrefour entre ces deux initiatives. D'une part, en effet, il est un des neuf membres du bureau constitué par Mgr Harscouët en 1927. Il y mesure la nécessité de constituer, entre les théologiens qui apportent leur contribution aux congrès marials, une véritable équipe de travail, pour promouvoir et approfondir l’étude de la mariologie en France. Une telle recherche sera utile, pense-t-il, par ses retombées sur les congrès marials et les œuvres mariales. Il insiste d’autant plus sur ce point qu’il perçoit, comme le traduit l’enquête de 1934, que les fidèles ont besoin d’être éclairés ou libérés de leurs hésitations car les directeurs d’œuvres sont souvent très silencieux à propos de la dévotion mariale.

 

C’est dans cette ligne que s’inscrit sa brochure Marie et l’Action catholique qui paraîtra en 1938. Sans être lui-même à proprement parler ni un théologien ni un universitaire, il a néanmoins acquis la conviction que, dans le domaine marial, les exigences d’une formation doctrinale sous-tendue par une étude sérieuse sont de plus en plus pressantes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si toute cette germination intervient  dans le contexte de la célébration du XVe centenaire du concile d’Éphèse (1931) qui souligne l’importance de l’étude pour l’approfondissement doctrinal.

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C’est lors du congrès marial de Liesse de 1934, que le père Morineau suggère la création d’une Société française d’études mariales pour « promouvoir l’étude du Mystère de Marie, dans l’intelligence duquel on voudrait pénétrer davantage ». Dans La Vie spirituelle du 1er novembre 1934, il en annonce la fondation imminente. 


Quant à la méthode de travail, les objectifs de la Société sont doubles :

 

D'une part, ils sont le fruit de l’itinéraire intellectuel et spirituel de Benjamin Morineau. Confronté à la crise moderniste lorsqu'il était professeur à Juilly entre 1907 et 1911, il avait trouvé la réponse au trouble que lui procurait la lecture de Loisy à un double niveau : philosophique dans les écrits de Maurice Blondel avec lequel il entretient également une correspondance régulière, et spirituel, dans le Mystère de Marie. C’est cette ligne qu’il insuffle à ses origines à la Société française d’études mariales : elle entend faire un travail solide, conciliant les exigences de la raison et celles de la foi.

 

D'autre part, elle souhaite travailler dans l’ombre, sans rechercher une grande publicité, et dans un climat très fraternel de simplicité et d’amitié. Le fondateur le souligne dans la présentation qu’il fait de la Société, au lendemain de sa première session qui se tient chez les jésuites à Paray-le-Monial les 4 et 5 septembre 1935 :
    « Ouverte aux théologiens et aux érudits qu’attire le problème de Marie et qui veulent prendre une part active à ses travaux, la société espère continuer son effort dans cette atmosphère d’intellectualité très décidée et de cordialité très simple où, après avoir prié filialement la très saint Vierge, on fait du bon travail. »


Ce climat reste une constante dans la vie de la société, comme le note en 1953 le successeur du père Morineau, Mgr Jouassard  : 

    « Chacun parmi les membres titulaires peut faire entendre sa voix, son point de vue, et soutenir celui-ci fermement, quoique amicalement. […] Toujours les discussions sont demeurées sur ce plan fraternel et elles ont permis aux tendances les plus diverses de se manifester. Tendances diverses dans l’ordre théologique s’entend ; il ne saurait être question d’évasion hors du domaine de la foi, personne n’y songe. Jamais donc dans cet ordre de la simple théologie, il n’y a eu chez nous de heurts sérieux, quand même les écoles qui se faisaient entendre étaient différentes sinon opposées. »


Quant au choix des thèmes retenus pour ses travaux, la Société n’adopte que progressivement un plan strict étalé souvent sur plusieurs années.

 

La première session est consacrée à l’étude d’auteurs dont les apports à la théologie mariale sont particulièrement riches : saint Albert-le-Grand, saint Thomas, saint Bernard. Au sujet de ce dernier, la séance centrée sur la communication du père Morineau, « Maternité spirituelle de Marie et théologie mystique de saint Bernard », illustre la volonté de fonder la société sur un travail rigoureux suscitant des échanges. Car cette intervention provoque, avec le père Aubron qui est en train d’achever son travail sur L’œuvre mariale de saint Bernard, une riche discussion sur la manière dont saint Bernard articule l’usage de la raison et de la foi.

 

Les sessions  suivantes (Mours, La Pierre-Qui-Vire, Le Saulchoir) sont consacrées d’une part, dans la perspective de l’édition d’un manuel, à l’enseignement de la mariologie et à la méthode qu’elle suppose, et d’autre part à des questions  en rapport avec les recherches en cours et les compétences des différents intervenants. 


Dès les premières sessions, on trouve les noms du père Pierre Aubron, jésuite, professeur de mariologie à l’Institut catholique de Lyon, de Mgr Paul Mulla-Zadé, converti de l’Islam, professeur à l’Institut pontifical oriental, cher au père Morineau à cause de leur commune proximité avec Maurice Blondel, parrain de Paul Mulla, du père Henri Barré, spiritain, supérieur du séminaire français de Rome. Évoquant un peu moins de vingt ans plus tard, en 1953, le recrutement de la Société le père Jouassard note : « Le nombre des membres [une centaine alors] augmente d’année en année. Petit à petit tout ce qu’il y a de théologiens qui s’appliquent en langue française à nos études vient à nous ; il en arrive même de Belgique, où il existe cependant des sociétés analogues. Le dessein que nous avons n’est pas en effet de contrecarrer qui que ce fût, mais plutôt de créer à l’inverse et d’entretenir des liens avec toutes les sociétés concurrentes, qu’elles utilisent le français ou d’autres langues . Il s’agit de concours entre nous et non de rivalité ».

 

Ainsi la Société a noué très tôt des liens avec l’Université de Dayton : le marianiste Théodore Koehler intervient lors de la session de 1947 et restera très fidèle aux travaux ultérieurs, relayé ensuite par le père Johann Roten.  « Tous les Ordres religieux sont admis et invités, poursuit le père Jouassard, et presque tous dans le fait sont représentés, à côté du clergé séculier, il va sans dire. Les laïcs eux-mêmes ne sont point exclus par principe et jamais ils ne le sont comme membres honoraires. »


À l’heure même où la Société décidait d’en venir à un plan plus systématique pour arrêter le choix des thèmes de ses rencontres, la guerre ne permit pas la réalisation du projet arrêté qui portait sur l’étude des différents privilèges de Marie, à commencer par la Sainteté de Marie, thème retenu pour la session prévue à Chartres en 1939.

 
Le choix de Chartres est maintenu pour la reprise des sessions en 1947. Dans les années qui suivent, la session de 1950 revêt sans doute une importance particulière. Le fait qu’elle se tienne à Saint-Laurent-sur-Sèvre ne s’explique pas seulement par la volonté de choisir un lieu auquel la présence des restes de Louis-Marie Grignion de Montfort donne une forte connotation mariale. Il est aussi lié à la volonté de rendre hommage au fondateur de la Société française d’études mariales décédé en septembre 1949, inhumé à l’ombre du fondateur des Montfortains.

 

Cette session clôt donc en quelque sorte la période fondatrice tout en affichant une volonté de continuité avec l’orientation donnée aux origines à la Société. Et le patrologue Georges Jouassard qui succède au père Morineau à la tête de la Société, s’inscrit effectivement dans la ligne de ce dernier, insistant sur la nécessité de « traiter la mariologie d’une façon aussi scientifique que possible, théologiquement parlant, et dans l’esprit le plus catholique ». Cette session confirme également que la Société a désormais acquis sa vitesse de croisière car elle clôt un cycle d’études particulièrement importantes. 


    Pour 1947, en effet, ayant décidé alors de s’orienter vers l’étude de thèmes s’étalant sur plusieurs années consécutives, elle avait choisi celui qui s’imposait à cette époque : l’Assomption. La Société estimait de son devoir d’apporter sa pierre à l’édifice en préparation car tout laissait entrevoir l’imminence d’une définition dogmatique.

 

Durant trois années, de 1948 à 1950, le travail porte donc sur ce thème, le clôturant à Saint-Laurent-sur-Sèvre, à la suite du congrès marial de Rennes également consacré à l’Assomption, et quelques semaines avant la proclamation du dogme, à la Toussaint 1950. Or les travaux de la SFEM n’ont pas été sans impact sur l’élaboration de cette formulation, car le fruit en a été transmis à Rome par l’intermédiaire du cardinal Gerlier chancelier de l’Institut catholique de Lyon où le chanoine Jouassard assurait la fonction de doyen de la faculté de théologie.

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